SECOUSSE

Vingt-et-unième secousse

Poésie

• Georges Andriamanantena (Rado) ► Une étrange paix traduit du malgache par Tahina Onivololona

  Le cigare aux lèvres, un journal entre les mains À plier et replier jusqu’au complet essorage Des tenants et aboutissants de l’histoire...

• Emmanuel Laugier ► Chant tacite

  sur la rive d’explosives presque fixes formes de sommeils dans l’ombre du langage...

• Patrick Laupin ► Impasse de l'azur

  Souvent je m’en vais au pays des écritures, au pays des sept ciels, des cerfs volants à têtes de lune Des espaces vides où le vent se pose Où les oiseaux voiliers d’espace suspendent leur course...

• L'Og ► Les incomplétudinaires

  Pour avoir abattu un moustique un saint se livra au marais. Les moustiques furent légion, le nom du saint s’y nicha, les nuées venant à lui, se repaissant, repartant, son sang un peu moins à lui, un peu plus nuage dans le paysage....

• Patrice Lumeau ► Manuel de l’extracteur de noyau au cœur du pépin

  Le savon de la salle de bains des jeunes filles célibataires.

• Dev Virahsawmy ► 3 poèmes traduit du créole mauricien par Daniel Manique 

  À quoi penses-tu Chiniraja ? Quand le néon du jour timide ouvre les yeux Illuminant la rosée glacée...

Proses

• Michel Antoine Chappuis ► Danse la nuit dans la nuit dense

  ...Et alors que j’étouffe un cri de surprise et de terreur en me sentant tiré au-dehors par une force gigantesque, tandis qu’un souffle violent me gifle le visage et que la nuit s’inverse une nouvelle fois, une question me traverse...

• Bernard Desportes ► Les temps difficiles

  ...La Mère, aidée de deux couventines, a enterré Angélique au tout début de l’hiver, par un après-midi terne de janvier. Moins d’un an après son arrivée au couvent des Saints-Innocents. Le corps était si desséché qu’il ne pesait presque rien...

• Mina Süngern ► D'une soirée dans un bar

  ...me faisant penser aux fraises que portaient les nobles et les bourgeois aux seizième et dix-septième siècles, qui donnent le sentiment sur les portraits de cette époque que leur tête est séparée de leur corps (...), cette mode annonçant peut-être le sort qui leur serait fait deux cents ans plus tard...

Essais

• Claude Adelen ► Variations Hugo : L'inséparable

  ...Il y a des poètes comme cela, Hugo, Claudel, Aragon… Je ne peux m’empêcher de prendre leur parti. Je ne peux m’empêcher de sonder cette hostilité viscérale, rationalisée après coup, qui utilise l’arme du ridicule, de la dérision. D’aller voir sous son masque ...

• Michel Deguy ► Voler en éclats

  ...Le soi est tourbillonnaire, « sur soi », de plus en plus vite ; et bientôt à vitesse de lumière (...). Nous sommes des milliards à tourbillonner, derviches, de plus en plus fortement étourdis, vertigineux, solipsistes, reclus en notre self...

Aux dépens de la Compagnie

• Marie Darrieussecq ► Traduire et adapter - Extrait de la préface à Tristes Pontiques d'Ovide

  Mon travail n’est pas d’érudition, et le texte parle de lui-même, en particulier grâce à ses redites, qui éclairent peu à peu le contexte. Ce que je souhaite, c’est qu’Ovide soit lu couramment, sans timidité due à l’antique, en entendant cette voix qui fait appel à nous...

• Pierre Lieutaghi ► Cicada and Ant - Postface à 25 Fables de La Fontaine traduites par C. Carsten

  ...huit ans après la mort de La Fontaine, l’écrivain néerlandais Bernard de Mandeville (...) publie la première traduction de La Fontaine outre-Manche. Cette traversée sur un radeau passablement surchargé perd en route le plus subtil du bagage, c’est-à-dire ce qu’il nous revient, à nous lecteurs, de comprendre entre les vers...

Carte blanche ►Traduire

• Marie Cosnay ► Manger les animaux

  ...Si le texte d’Ovide peut être traduit, ce n’est pas par ce qui en lui est « typique », par ce qui en lui obéit, mais par ce qui est singulier, très singulier, orienté comme ça lui chante : c’est son latin à lui.  C’est l’originalité que je traduis...

• Jacques Darras ► Sous le volcan

  ...Je lui dois, plus encore, de m’avoir permis de traverser sans encombre les années joyciennes où le structuralisme triomphant menaçait de nous enfermer. Entrer chez Lowry, ce fut pour moi, par contraste, prolonger le roman conradien par la condition amoureuse, célébrer les noces tellement désirables de la narration romanesque et de la poésie...

• Max de Carvalho ► Traduit du Françoys

  ...une morne figure se lève dans ma mémoire. C'est un habitué des Assises Mondiales de Translatologie Posthume (AMTP). L'homme assiste à un atelier de transduction animé par ***. Celui-ci me fait venir au tableau pour exposer ma manière de rendre un vers du Lisboète Mario de Sá-Carneiro...

• Jean-Michel Déprats ► Entretien avec Anne Segal et Gérard Cartier

  ...Shakespeare écrit à la fois pour son public aristocratique, cultivé, qui paie cher sa place assise dans les galeries (puisque les nobles sont au balcon), et pour le peuple qui, lui, est debout, qui paie l'équivalent de 4-5 €, et qui est sensible aux mots saxons...

• Katelijne De Vuyst ► Une addiction à la traduction

  ...le fait d’entrer à chaque fois dans le monde d’un livre, de se mettre dans la peau d’un auteur, de ses personnages et de leur univers demande une bonne dose de créativité et une grande agilité mentale....

• Jane Kuntz ► Autocritique d'une traductrice sourde... et reconnaissante

  ...Voilà le conseil principal qu’elle m’a proféré après sa lecture : de tout reprendre et de faire entendre l’océan d’un bout à l’autre du texte, dans le souffle même des phrases. Ce conseil, j’ai fini par le suivre, non sans quelques résistances de ma part en cours de route...

• Alain Lance ► L'étranger familier

  Dans les très nombreux essais consacrés à la traduction littéraire surgit fréquemment cette interrogation : traduire n’est-il pas impossible ? D’autant plus impossible lorsqu’il s’agit de poésie, où les signes et les sons sont combinés de façon indissociable...

• Yves Leclair ► Chant des béatitudes - Trois poésies latines de Joachim Du Bellay

  ...C'est une beauté brune comme sortie d'un tableau de Picasso. Sa chevelure est un immense flot de ténèbres. Ses yeux de perle noire ont de grands sourcils peints à ravir. La beauté parle une langue très musicale dont je ne comprends pas le moindre mot et qui me fait monter aux nues...

• Claire Malroux ► Le compagnon secret

  La nouvelle de Joseph Conrad, The Secret Sharer (Le compagnon secret), m’a apporté un éclairage inattendu sur la personnalité du traducteur. Elle me semble s’incarner dans les deux héros...

• Jean-Baptiste Para ► Le visage du poème apparaît lentement... - Entretien avec M. Savoret et E. Pallot

  ...Être traversé par une langue qui vous habite mais dont le sens reste mystérieux, c’est une sensation extraordinaire. J’ai ressenti quelque chose d’analogue dans la première expérience véritable que j’ai pu faire de la poésie, en découvrant Rimbaud au sortir de l’enfance...

• Angela Sanmann ► L'art de réinventer

  ...ce poème devient, pour la première fois, lisible, audible pour un public francophone, presque cinquante ans après la parution de l’original. En lisant le poème en français, on ressent à quel point l’apparition d’Hitler était inquiétante, mais aussi ridicule...

• Yann-Varc’h Thorel ► Fourmis vertes devant la neige

  ...Du Fu, que l’on sait être le poète confucéen par excellence, en un mot, réunit, réconcilie toutes les écoles chinoises. Recalé à tous les concours, il ne peut servir l’Empire et son administration, soit, mais il sert l’art, la pensée, l’esprit, et pour tout dire, l’être chinois...

• Joan Titus-Carmel ► Traduire le haiku

  ...l’humilité volontaire de la langue japonaise lorsqu’elle se soumet au temps qui passe, à l’épreuve du peu, c’est-à-dire à cette frange de l’indicible que borde toujours le vide dans l’approche du temps suspendu qui est la dimension spirituelle du haiku...

• Wen Yiduo ► Les poèmes de Li Bai en anglais - traduit du chinois par Yann-Varc'h Thorel

  ...L’écriture chinoise, et tout particulièrement l’écriture poétique chinoise, est d’une concision extrême, – on peut même dire qu’elle atteint la concision ultime. Ainsi ce vers « cris poules échoppe chaume lune / traces homme pont planches givre » n’a plus ni verbe ni adjectif...

La guillotine

• François Boddaert ► Kosztolanyi s'en va-t-en guerre

  ...l’époque étant à l’augmentation des budgets militaires, on choisit donc (assuré qu’on n’a jamais réarmé sans tomber dans la guerre) de livrer au lecteur, sur ce thème, quelques flèches et coups de massue de Kosztolányi...

Zarbos

• Marc Dachy ► Dada, la révolte de l'art - Entretien avec Jenö Farkas

  ...Des hommes ont exprimé dès le début que la façon dont le monde était en train de se civiliser était une sinistre plaisanterie, que les cerveaux étaient manipulés, que l’individu était privé d’une réflexion propre, que le langage devenait un outil pour faire obéir...

• Karim Haouadeg ► Le royaume de Darius- sur Darius de Jean-Benoît Patricot

  ...un spectacle plein de grâce, dans lequel le spectateur est entraîné comme malgré lui ; un moment subtil et délicat, qui laisse dans l’esprit du spectateur une trace prégnante et légère, forte et insaisissable à la fois, comme ces parfums dont parlait Proust (...), qui portent « sans fléchir, sur leur gouttelette presque impalpable, l’édifice immense du souvenir. »

• Catherine Soullard ► Élever un enfant ? - sur Baccalauréat de Cristian Mungiu

  ...À la fois polar (retrouver les agresseurs d’Eliza), dilemme moral (jusqu’où ira Romeo Aldea pour l’avenir de sa fille), plongée ethnographique au sein d’un monde corrompu, le dernier film de Cristian Mungiu a quelque chose d’un nœud coulant qui raccourcit et se serre à vue d’œil, tant y est forte la tension dramatique....

• Catherine Soullard ► Porte étroite - sur Le concours de Claire Simon

  ...Claire Simon réussit une œuvre profonde et vaste. En se concentrant sur un lieu et sur un examen, le film s’élargit au processus de sélection qui opère à peu près partout en France, tentant d’en capter les rouages, et il bouleverse par moments, car il touche à l’âme humaine.....

• Xavier Zimbardo ► Passion couleur - Présentation (Le monde repeint par les yeux) de Michel Bohbot

  ...Cet œil qui photographie, ce regard qui saisit ce que nous ne voyons pas, est celui d’un plasticien curieux de tout et du monde, se souvenant d’Aristote pour qui le créé était un perpétuel étonnement....

Notes de lecture

• Henri Droguet ► Désordre du jour - Note de lecture de Pascal Commère

  ...l’artificier ayant dent dure et consonne offensive. Le palais rude ; folle blanche pour le cépage, on imagine, plutôt que chardonnay. Quant au poème… Un rythme tambourinant où le vers, presque toujours impair, se tord les chevilles, non sans brusquerie dans les coupes...

• Antoine Emaz ► Limite - Note de lecture de Gérard Cartier

  ...Dans ce combat qui paraît sans issue, les mots seuls donnent encore le sentiment de vivre, même si la langue elle aussi semble avoir vieilli, même si « on ne croit plus qu’il y a la mer / au bout du coquillage »...

• Agota Kristof ► Clous - Note de lecture de Pascal Commère

  ...Là est la petite magie de l’écriture d’Agota Kristof, son charme aussi. La touche unique qui fait mouche. Le ton est incisif, à vif souvent, obsédant comme la peur de qui prend la fuite. Des phrases à flux tendu. Qui sans cesse rebondissent...

• Jacques Lèbre ► L'immensité du ciel - Note de lecture de Karim Haouadeg

  Jacques Lèbre est un maître dans l’art de dire ces choses infimes, insignifiantes à première vue, qui font toute une vie parfois. Il y faut, outre de remarquables dons d’observation, une réelle délicatesse et beaucoup de pudeur...

• Marie Ndiaye ► La cheffe, roman d'une cuisinière - Note de lecture de Florence Balestas

  ...Il y a dans ce portrait minutieux, fourmillant de détails, portrait d’une femme solaire, comme une mise en abyme qui rapproche l’auteure de son personnage : (...) Marie Ndiaye n’y suggère-t-elle pas une vision de la création artistique qui touche au sacré ?...

• Pierre Ouellet ► Talisman - Note de lecture de Gérard Cartier

  ...On écoute avec étonnement cette parole chamanique, on parcourt en titubant ce monde enfanté par le souffle, en perpétuelle transformation, où poésie et religion ne sont pas séparées. Le peyotl fait battre le sang, le maïs pousse comme un enfant...

• Ernst Stadler ► Journal de guerre - Note de lecture de Vincent Wackenheim

  ...Voilà le lecteur en délicatesse devant le journal de celui-là, qu’on aurait attendu du côté du bien, comme si la philologie, l’étude des traductions de Shakespeare ou des manuscrits de Perceval conduisaient immanquablement à une vision pacifiste du monde...

• Leonard Woolf ► Ma vie avec Virginia - Note de lecture de François Boddaert

  ...si la psychose maniaco-dépressive de Virginia est une manière de fil conducteur tragique, jamais Leonard ne macère dans ce drame ; bien au contraire, il sait remarquablement valoriser les moments de vie heureuse, la gaieté, l’agitation créatrice, la vie mondaine...