SECOUSSE

Dix-neuvième secousse

Poésie

• Bruno Cany ► Je n’ai pas rencontré Allen Ginsberg, mais je lui ai parlé

  En 1972, l’année de mes seize ans, Ginsberg a cessé de chanter Om. Et cette année-là il a entrepris de chanter Ah. En 1976, l’année de la canicule, j’étais confiné dans une infirmerie militaire...

• Max de Carvalho ► 6 poèmes

  Un homme dort à poings fermés dans l'âge d'or et les chronologies relatives. Il repose dans la lumière...

• Katarina Frostenson ► Chanson de Sibérie traduit du suédois par Marie-Hélène Archambaud 

  Nuit sans sommeil sous le ciel tout nous donne à penser...

• Iouri Koublanovski ► Poèmes traduit du russe par Christine Zeytounian-Beloüs 

  L’enfer de la troisième Rome : Chatoura brûlait sans retenue, des carassins dans la tourbe nageaient...

• Gérard Noiret ► Cabinet des curiosités

  Près des tourniquets de cartes postales les commerçants à l'œil rond surveillent les amants descendus à l’hôtel du Grand Duc...

Proses

• Gérard Cartier ► L'épeire

  J’étais à la fois l’épeire et la mouche, il me semblait que l’insecte qui mourait si atrocement sur la toile était la figure de mon passé, et qu’en ayant tiré tout le sang à force de le sonder je le trouvais maintenant aussi inerte que si je ne l’avais pas vécu...

• Christine Guinard ► Chute d'Icare

  Personne ne prêta attention à cette descente de météorite, déboulée tout droit des environs du soleil. Le monde alentour était absorbé dans la lueur vert jade que le rayonnement du matin produisait au contact de l’eau de mer...

• Fabrice Marzuolo ► Le géniteur de sable

  ...J’ai toujours détesté cet homme qui me faisait peur, je revois son visage en lame de couteau avec cette carnation gris métallisé des comploteurs embusqués dans les demi-obscurités, je revois ses costumes de mac (j’avais l’impression qu’ils étaient taillés à vif sur ma peau)...

Essais

• Denis Grozdanovitch ► À la sourdine (suite)

  ...cette magistrale leçon de philosophie désinvolte donnée sur le ton le plus badin, ne pouvait l’être qu’en français. Il y a là une profondeur de pensée dissimulée sous la légèreté, une pertinence dispensée comme en se jouant qui relève proprement de l’esprit français...

• Stéphane Mosès ► Réflexions actuelles sur le concept de littérature universelle traduit de l'allemand par Emmanuel Moses

  ...Ce n’est qu’à partir de l’exil – qu’il soit extérieur ou intérieur – que le paysage natal se transforme en locus imaginaire, et ce n’est qu’au travers de la dialectique du temps perdu et retrouvé que les expériences vécues deviennent des images verbales....

Aux dépens de la Compagnie

• Aborigènes Ngarinyin ► Gwion-Gwion, dulwan mamaa

  Quatre munnumburra (gardiens de la loi) de l’une des tribus aborigènes les plus préservées, les Ngarinyin, native des rivages du Kimberley, ont fait une marche dans le temps sur leur dulwan nimindi (chemin de connaissance), avec la volonté de transmettre les junjun Wuna (preuves de la tradition) autour des Gwion Gwion conservés dans les abris sous roche...

• Olivier Rolin ► À y regarder de près

  Oblongue, finissant en une turgescence bourgeonnante, sorte de gland feuillu, l'asperge est un mince phallus végétal. Sa consistance, d'une raideur élastique, est celle d'une érection moyenne. Si, au lieu d'être né à New Albany, Mississipi, Faulkner avait été originaire d'Argenteuil...

Carte blanche

• Anthologie ► Vieux déserts

  On n’est plus sur une terre sans forme, sans couleur et sans grâce, mais sous le ciel, presque dans le ciel tant l’on se sent mêlé au drame silencieux qui, chaque jour, à la fois identique et différent, se joue sur la scène de l’espace...

• Anthologie ► Au désert neuf

  Le désert que nous portons en nous pour donner place à nos mirages garde les dessins tracés sur le roc...

• Lionel Bourg ► No man's land

  Ils font leurs bagages. Collent des étiquettes sur une valise. S’assurent que rien ne manque, argent, papiers, préservatifs, bouquin d’initiation à la pensée nomade, matériel électronique : la mort n’est peut-être pas le pire des déserts...

• Raymond Bozier ► Retour au désert

  La muraille épousait les courbes d’un plateau désertique parcouru par des buissons arrachés du néant et encombré de dunes sculptées par les tempêtes de sable. Sa hauteur avoisinait les soixante mètres. Elle était faite d’un matériau ressemblant à s’y méprendre à des briques de chair...

• Jacques Brou ► Le désert de Giacometti

  Giacometti dit quelque part que le visage est comme un désert. Il le dit dans un entretien, ou l’écrit lui-même. Il y parle de ce travail très étrange de l’art. De ce travail qui n’en est pas un. Ou qui paraît parfois ne pas en être un, tant il est peu ressemblant à celui des autres...

• François Cassingéna-Trévédy ► Cantique de l'infinistère

  J’ai largué toutes les amarres. Les quelques vivres que je tire de mon sac ne parviennent pas à compenser le froid qui me gagne et me fait, par instant, légèrement frémir. Je n’ai plus rien à me mettre sous la dent ...

• Pascal Commère ► Vers le Gobi

  ...Le grand soin que les femmes mongoles apportent à leurs cheveux. Qu’elles gardent longs (les vieilles, crâne rasé), cheveux glissant dans la main au matin tombant loin dans le dos, puis nattés, ou attachés en couettes. Chignon aussi – la femme hier, si belle...

• Jean-Baptiste de Seynes ► Moi qu’un désert avait embauché pour y braire

  ...pur engouement de la bataille… le chantier de l’instant  a ceci d’un brasier qu’on n’y voit plus qu’avec les yeux du feu… innocence de la destruction, qu’étonne le roué de la réparation : de l’art d’accommoder les cendres…

• Bernard du Boucheron ► Le Désert

  Sagesse immémoriale du désert que l´homme blanc découvre sans en épuiser le mystère. Meurt assassiné par un de ses hôtes qui lui a prêté une petite esclave noire dont, finalement, il est jaloux. Ne laisse que de rares feuillets raturés abandonnés près de son corps nettoyé jusqu´à l´os par les vautours...

• Marie-Florence Ehret ► Journal de voyage en Mauritanie

  À côté de la mélancolie des romantiques, de la saudade des Portugais, du blues des Noirs américains, il faut ajouter le Buqâ alalatlâl des Bédouins. Ces pleurs versés sur les traces du campement, ces pleurs qui trouvent leur consolation à s’exprimer...

• Hubert Haddad ► Tu l'as vu au désert

  De la nuit fossile monte une parole solitaire : Je conduirai les aveugles par des sentiers qu'ils ignorent. Une voix dit et proclame : prépare la piste au vainqueur, trace-lui une route dans l’aride, comble l’abîme avec la montagne...

• Michelle Labbé ► Deserta-orum

  Désert encaissé, Plus exactement désert qu’on a encaissé aux mois les plus chauds de l’année : juillet, août. Pas de recours aux mots avantageux qui sonnent quelque élan vers l’étrange...

• Françoise Nuñez ► Éthiopie, 1980-1998 - Présentation de Bernard Plossu

  Voyager en photo, c'est plus que voir, c'est partager en montrant. C'est la générosité sur papier noir et blanc. C'est la liberté face à la passivité des écrans des salles obscures, ce sont les images dans le souffle du vent, c'est la vie intense. Et rien de tel qu'une photographie directe pour le dire...

• Jean-Marie Perret ► Madeleine dans le désert

  Ma solitude était extrême, elle ne fut jamais totale. Un désert n'est pas un désert, c'est un lieu d'existences et de parcours. La rareté des plantes et des bêtes ne fait que les rendre plus visibles et plus précieuses...

• Gilles Ramstein ► Entretien avec Anne Segal et Gérard Cartier

  ...Le Sahara a quelque chose d'extraordinaire pour nous. (...) Il y a des milliers d’années, il y avait une faune et une flore au Sahara très différentes de ce que l’on connaît: c’est ce qu’on appelait les époques du « Sahara vert »....

• James Sacré ► Au bord du mot désert

  Passé déjà sans doute en l’infime jointure du sable et du ciel Où l’espace et le temps sont comme Une même chose qui disparaît dans les mots, l’oubli, la mort...

La guillotine

• Lionel Chanel ► L'horizon de la terreur islamiste : le désert

  La cité idéale islamiste est un désert. Le projet totalitaire des Frères musulmans et de leurs disciples, qu’ils soient djihadistes ou non, est une utopie qui, une fois réalisée, aura fait table rase du passé et de tous les obstacles empêchant l’avènement du « ciel sur terre  »...

Zarbos

• David Collin ► Toujours plus qu'un paysage - sur l'œuvre d'Ann Loubert

  Se retrouve dans l’ébauche la vivacité des sensations attrapées au vol, de cet esprit qui toujours, miraculeusement chez Ann Loubert, subsiste dans l’étape ultime d’un dessin, d’une peinture, d’un trait qui ne se dérobe jamais, qui reste fidèle au premier geste et retrouve l’élan du point d’origine...

• Karim Haouadeg ► Quatre planches, trois tréteaux... - sur Nadejda de Jacques Kraemer

  ...tout est musique dans ce spectacle. Les comédiens réussissent à donner aux paroles des personnages un caractère mélodique ou lyrique, selon les scènes, qui a à voir avec cette musique des mots qui est au cœur de la poésie, et qui est si difficile à définir...

• Catherine Soullard ► La vie après la mort - sur Café society de Woody Allen

  ...Lumière rousse et dorée sur New York, chatoyante toujours, versant sur ce film l’accent crépusculaire du souvenir ou du songe. C’est Woody Allen lui-même qui mène le jeu en voix off, et le jazz qui donne son rythme et sa musicalité à cette course aux regrets, au silence et à la mort...

• Catherine Soullard ► Secrets - sur Mobile étoile de Raphaël Nadjari

  Faire silence, se mettre légèrement en retrait du monde, et alors quelle densité d’humanité nous est-il donnée de partager… Ce n’est pas tous les jours que l’on est confronté à une telle élégance, qui naît d’un parti pris radical d’austérité...

Notes de lecture

• Marie-Claire Bancquart ► Qui vient de loin - Note de lecture de Gérard Cartier

  ...on pense parfois aux anciens moralistes : c'est un livre de sagesse, les vérités les plus ingrates appréhendées à l’aide d’une langue qui fuit tout éclat, d’une sévérité presque romaine, et qui jamais ne dédaigne la raison...

• Sylvie Germain ► À la table des hommes - Note de lecture de Florence Balestas

  Fable initiatique et roman de formation, À la table des hommes débute comme un conte fantastique. Une pluie d’obus dans un pays en guerre, un village anéanti d’où personne ne ressort vivant, sinon un bébé cochon. Commence alors pour lui une course à la survie...

• Alain Guillard ► Quête du nom - Note de lecture d'Alain Freixe

  ...un livre âpre, sans concession qui interroge les manques de ce qui fait les figures essentielles qui entourent une vie : père, mère, grand-mère, frère… et les entours, banlieue, usine, bistrot, alcool...

• Park Hyoung-Su ► L'Art de la controverse - Note de lecture de Karim Haouadeg

  Ce recueil, excellemment traduit (...), d’un auteur encore jeune, publié pour la première fois en France, est une révélation. Celle d’un auteur authentique et original, qui a un univers à lui, une écriture singulière, qui porte sur notre humanité un regard à nul autre pareil...

• Jehan-Rictus ► Journal quotidien - Note de lecture de Vincent Wackenheim

  ...c’est là tout le sel, poignant et cocasse, de ce journal, voir ces thèmes ressurgir et s’entremêler, misère sexuelle, misère sociale et misère littéraire, sans pour autant gommer un indéniable plaisir de vivre...

• Constantin Kaïteris ► Trois villes des commencements - Note de lecture de Gérard Cartier

  Alexandrie est un « palimpseste », s’égarer dans la ville c’est se perdre dans le temps. Cette cité à la présence inquiète, douçâtre, rendue en de courts croquis mélancoliques, semble inhabitée, hantée seulement par les chats et les fantômes, ceux du passé et ceux d’aujourd’hui...

• Jean-Paul Kauffmann ► Outre-Terre - Note de lecture de François Boddaert

  ...Outre-Terre est le livre de la fragilité mémorielle ; c’est aussi bien un voyage incertain dans l’épaisseur de l’histoire, qui n’est possible que par la ferme certitude du bonheur d’être vivant (...) Mais le destin du Colonel Chabert n’offre aucune garantie certaine là-dessus.

• Christian Laborde ► La cause des vaches - Note de lecture de Pascal Commère

  ...se souvenir de la place qu’elles occupaient dans la vie aussi bien que dans le paysage, proches et lointaines à la fois, de ce qu’on tirait d’elles (...), de la tendresse, parfois rabrouée, qu’on éprouve immanquablement pour elles, pour peu qu’on ait mis ses pas dans les leurs..

• Lucie Taïeb ► Safe - Note de lecture de Laurence Werner David

  À quoi peuvent être utiles nos souvenirs, même les plus heureux, s’ils ne sont d’aucun secours au moment où nous sommes les plus fragiles ? Peuvent-ils être, malgré tout, avec notre langue, une arme sûre grâce à laquelle, au bord du précipice, rester droit, vivant et perdurer...