SECOUSSE

Douzième secousse

Poésie

• Marie-Hélène Archambeaud ► Défaite

  − Mais tu vas où, lui dit la fille Des petites filles géantes assises en tailleur par dessus la forêt Des herbes longues dans le jardin, les tuiles bleues vernissées...

• Géraldine Geay ► Les immaudits

  La cité sans poignée, sans péage Nous y entrerons tous Avec nos dessins...

• Bruno Grégoire ► L'épingle du jeu

  Poème comme un ruban dans tes cheveux de fillette qui contiennent toute la noirceur du monde.

• Petr Motýl ► Comme une perle noire dans le charbon traduit du tchèque par Petr Král 

  le Bulgare armé d’une hache le Turc d’un cimeterre tu entends ruisseler le sang...

• Yu Jian ► Billets traduit du chinois par François Charton 

  J’écris en automne     Comme les maîtres d’autrefois Du quinze septembre au quinze octobre...

Proses

• François Boddaert ► Rencontré JPS (vu Kinski), et comment ça

  Seul nous faisait face l’acteur allemand, si reconnaissable à sa trogne tourmentée qu’embrasait l’auréole des cheveux blond argenté, ses grandes dents blanches giclant par moments ‒ comme expulsées de la bouche aux lèvres énormes...

• Frédéric Lefebvre ► Animaux

  Il faut le dire vite. Et puis ne pas se retourner. C'est la vie. Assez de philosophie. Il y a là un mammouth qui nous attend. Un vrai, en os et en os. Il s’appelle… Non, un peu de patience. L’exposition commence...

• Geneviève Peigné ► Au tombeau moderne

  ...plus rien ne devrait s'opposer, se prend-on à rêver, à laisser déborder une gaité enfantine – à quoi rien ne préparait – celle d'avoir déchiffré avec succès le dessin d'un grimoire ; où est tracée la croix, est l'endroit où creuser : Ci-gît L'île au trésor et qui vous la lisait...

Essais

• Nimrod ► La cité est grecque ; le poème tchadien

  ...la fiction est la grande fabrique de l’existence humaine. Dès qu’un homme ou une femme parvient à raconter sa vie, il brille à ses propres yeux. La narration soulage sa tristesse. Aussi ressassons-nous à loisir nos origines...

Aux dépens de la Compagnie

• Charles Nodier ► Le vieux marinier

  Le voyageur de mer est fou comme l'amant. Tout visage nouveau lui paraît camarade, Tout lougre, galion, et tout poisson dorade ...

Carte blanche

• Michel Chion ► Le cinéma de science-fiction et ses époques

  Il y a aujourd'hui un courant du cinéma de science-fiction qui abandonne toute anticipation technologique. Les effets spéciaux, les trucages, peuvent servir à visualiser une machine, mais la machine, c'est surtout le cinéma...

• Charles Dobzynski ► Élégies de la Baie des Anges

  Quel univers jumeau du nôtre ? Un soir On ne sait plus ce qui de nous divorce Quel arbre en nous fut dépouillé d'écorce L'image fuit par les trous des miroirs...

• Léo Henry ► Jersey Girl

  Les lombrics de point-du-jour vivent, tu le sais, dans des galeries souterraines qu’ils excavent puis rebouchent. Ce sont des nomades mesquins aux trajets invisibles : ils percent comme on nage, dans les trois dimensions...

• Mathias Lair ► Clone de moi

  Je ne sais pas qui je suis. Je suis né avec un fatras d’images et de pensées, de souvenirs dont je ne sais que faire. Les séances d’égolearning ne m’apportent rien, il m’arrive toujours d’être assailli par des scènes où je ne me retrouve pas...

• Serge Lehman ► Entretien avec Anne Segal et Gérard Cartier

  ...il y a une présence de la SF, dans l'esthétique, la réflexion prospective, les arts, le cinéma, la littérature, qui est maintenant permanente et omniprésente. C'est devenu un élément de la culture contemporaine...

• Serge Lehman ► La république des endoscopes

  ...une image de synthèse apparut : le visage du futur président. Calme et détendu. Ferme, mais bienveillant. Distingué sans être hautain. Il attendit la fin de l'hymne puis, de sa voix profonde, prononça la phrase rituelle : « Citoyennes, citoyens. Mon nom est John Deacon, © SIMULIS 2038...

La guillotine

• François Boddaert ► En quête d'auteur (Le CRL de Bourgogne enquête !)

  On songe pour tout dire, en feuilletant ces questionnaires, à la cuisante formule de Coluche : « Écrivez-nous pour nous dire ce dont vous avez besoin, on vous expliquera comment vous en passer »! Car on ne voit pas en quoi, ni comment, le remplissage chronique de ces inquisitrices demandes fera lire un seul livre...

i m François Dilasser (1926-2012)

• Jean-Claude Caër ► Premières rencontres

  Philomène a appris à lire à l’âge de 78 ans. Elle est née à Kerlouan, en pays Pagan ; on dirait une des Régentes qu’il vient de peindre. Nous partons à sa recherche jusqu’au cimetière couvert de fleurs. On est au temps de la Toussaint, moment sacré ici en ce pays du Léon...

• Antoinette Dilasser ► Le gris et l'ocre

  Quelque chose du gris ocre de la baie, de sa forme. Bonshommes vêtus de sombre, les bras protestent, on ne sait ce qu’ils tentent d’attraper dans l’enclos qui les emprisonne, ou peut-être les protège. Ici et là, de guingois, des croix...

• Paol Keineg ► Les Régentes

  ...cinq visages effarés, effrayants, aux yeux charbonneux qui nous fixent et nous suivent, mains posées sur un tombeau d’où Lazare ne sortira pas vivant, cour de justice où les juges ont peut-être perdu le pouvoir de juger, mais pas celui d’effrayer les grands et les petits enfants...

• Paul Louis Rossi ► François Dilasser

  À la vérité, François Dilasser regardait le Monde très attentivement, il dessinait beaucoup sur les rivages, des phares et des lignes de fuites, des landes et des maisons penchées, il dessinait surtout des nuages à l’infini, il aurait voulu dessiner le vent...

Zarbos

• Christine Bonduelle ► Mourir. Dormir. Rêver peut-être. - sur Au bord du monde de Claus Drexel

  La démarche de Claus Drexel et Sylvain Leser n’est ni sentimentaliste, ni voyeuriste ; elle se propose modestement d’accepter le clochard sans discours, dans un monde où l’on n’a plus d’espace pour être fou...

• Karim Haouadeg ► Marguerite, les trois âges - sur un cycle de trois pièces de Marguerite Duras

  Didier Bezace a fait là un admirable travail de mise en scène. Les trois spectacles rendent parfaitement justice à Marguerite Duras, qui montrent l’étonnante diversité de ses talents. Si quelque chose unit néanmoins ces trois œuvres si différentes, c’est sans aucun doute l’émotion rare qu’elles procurent toutes les trois aux spectateurs...

• Claude Simon ► Photographies inédites suivies d'un extrait de la préface à Photographies 1937-1970

  Sans surprise, les thèmes de ces images de Claude Simon sont ceux de son œuvre et célèbrent la vie. Le ton est le même ; faussement impassible, contemplatif et plein d'humour. Mais la guerre est un sujet hors-champ photographique...

• Catherine Soullard ► Prendre la vie, laisser la vie - sur Un château en Italie de Valeria Bruni-Tedeschi

  Cette manière magistrale d’être à la fois vulnérable et sûr de soi, cette fausse désinvolture, cette allure juvénile, cette façon d’être perdu avec un rien d’indifférence, de n’être jamais là où on vous attend, l’élégance morale qui donne à ce film et à ses personnages ce léger surplomb et cette grâce...

• Catherine Soullard ► Attendre - sur Ceuta, douce prison de Jonathan Millet et Loïc H. Rechi

  Malgré tout, c’est une certaine joie qui se dégage de ce film. Pas de désespérance, mais un espoir envers et contre tout. (...) Au cœur de cette attente qui se prolonge et menace de durer, on entend cette merveille : « Fais confiance aux gens, le temps passera plus vite » ...

Notes de lecture

• Svetlana Alexievitch ► La fin de l’homme rouge - Note de lecture de Vincent Gracy

  C’est une modeste littérature d’ambition folle. Svetlana Alexievitch ne se met jamais en avant, elle s’en tient d’un bout à l’autre à sa stricte position de « porte-plume ». Elle ne juge pas, elle ne blâme ni n’approuve ses personnages. Elle les retranscrit...

• Jean Arp ► La Grande Fête sans fin - Note de lecture de Didier Ayres

  Voix intérieure qui se mélange au désespoir humain et à l'esprit mystique, comme est en vérité toute vie sur terre, jetée ça et là dans des abîmes et des brûlures, dans le manque et l'abandon, dans l'absence, un peu comme le hasard en décide pour des papiers déchirés...

• Jean-François Beauchemin ► Le jour des corneilles - Note de lecture de Vincent Gracy

  Pour nous autres centrés de France, le québécois est une épreuve de modestie. L’exotisme linguistique de nos cousins d’outre-Atlantique, plus encore qu’à l’accent ou l’usage, tient à l’âge. Nous sabirons un français chaloupant dans l’inventive corruption du présent...

• Marie Étienne ► Haute Lice - Note de lecture de Gérard Cartier

  Autobiographie donc, mais partielle, capricieuse, hantée d’images tour à tour transparentes et voilées, transmuée par une puissante alchimie ‒ si l’intime est le lieu de l’écriture, il n’en est pas le moteur : ces pages doivent autant à l’énergie propre des mots qu’aux souvenirs...

• Jean-Paul Michel ► Quand on vient d’un monde d’idées... - Note de lecture de Francis Wybrands

  Les traductions de Michael Bishop sont de merveilleuses offrandes de poète à poète, de langue à langue. Dans la complicité du dire partagé, des rythmes restitués. Dans la distance, avant tout. « Un livre vaut à la condition qu’il intime dépassement. »...

• Éric Sarner ► Cœur chronique - Note de lecture de Gérard Cartier

  Ces mots volés, disposés à l’aventure, servent d’amorces à de petites fusées intimes qui éclairent un instant la nuit du passé, celui d’une société peuplée de croyants et d’esprits malins, de pêcheurs et de marchands de cervelle...

• Christa Wolf ► August - Note de lecture d'Yves Boudier

  L’année 1946 comme ligne de départ, un orphelin de huit ans, une jeune fille de seize, un château devenu sanatorium de campagne, un pays divisé puis réuni, une bonne pincée de chance : voici les dés et le parcours de ce jeu en spirale où la mort a imprimé plusieurs cases...